Mon CAMABC, en détails :
La veille:
Ça se passe à Nantes, trop cool, on va partir tôt se faire une petite promenade bucolique revoir La Rochelle... tout ça... (le road fait 7h tout de même...)
Bon, finalement, il pleut, comme d'habitude, je suis à la bourre et au lieu de partir tôt dans la matinée, il est déjà plus de 15h et je ne suis pas prêt.
Ça sera donc l'auto-beurk, ça économisera un peu l'homme même avec la pluie, le froid et les conducteurs de boîtes à roues qui sur le périphérique de Bordeaux s'insultent la fenêtre ouverte et klaxonnent. Je me faufile tranquillement à ma vitesse de croisière (pas la peine de se faire retirer le permis la veille du CAMABC). Les chiens aboient, la caravane passe.
Arrivé à l’hôtel, les copains sont déjà là, on se donne rendez-vous pour manger ensemble et décompresser au maximum avant de se coucher tôt (personne ne veut se mettre en dette la veille de l'examen).
A table, la pression monte (c'est une Hoogarden, je crois), on commande une petite planche fromage/charcuterie à partager et on commence à discuter.
Comme nous sommes entre hommes, la discussion s'oriente forcément vers la géopolitique, l'économie mondiale (bon, ok, je ne suis pas crédible).
La pression est déjà bien retombée au moment où la planche arrive, j'en recommande une autre, ça sera la dernière, avec la fatigue du trajet, elle m'assommera tranquillement ce soir...
Le repas s'enchaîne avec la planche, on parle philosophie et siècle des lumières (toujours pas crédible) et on repart chacun tôt pour se coucher (on a tous pris nos cours pour réviser mais ça m'étonnerait que quiconque les ait ouverts).
Le jour J:
Réveil avant le réveil frais comme un gardon ! Cool !
Tout le monde est à l'heure, en avance même, on se dirige vers la piste d'examen (avec une petite loose topo de 5 minutes mais avec 30 minutes d'avance, ça nous fait juste rire).
Accueil, briefing, il faut 12 de moyenne pour être diplômé et il y a des notes éliminatoires.
La première épreuve, le questionnaire, approche : aucune pression, je suis prêt, je suis rapide sur ce truc et je fais peu d'erreur.
On entre dans la salle, le sujet est sous les yeux : c'est parti !
Première question, ah merde, je ne suis pas sûr, deuxième question, ah merde, ça ne va pas être simple...
Pas de panique, continue, il y a beaucoup de rédaction. Arrivé à la question n°10/40, je ne suis pas très satisfait de mes réponses pour le moment, je jette un coup d’œil au chrono, j'ai déjà consommé presque la moitié du temps réglementaire, là, ça va pas le faire, c'est combien déjà la note éliminatoire sur le questionnaire, 8/20 ? Tu avais prévu de te rapprocher au maximum du 20 pour te faire de la marge et bien passe la seconde !!! La troisième aussi !!! Je gratte comme un dingue, question 40/40, il reste 2 minutes, juste de quoi revenir sur les questions où j'ai hésité.
L'épreuve est terminée, à mon avis j'ai plus de 8, probablement plus de 12 mais je suis très loin du 20. Il va falloir donner toute la journée, ce n'est pas gagné.
J'ai une pause de 40 minutes avant l'épreuve suivante (pédagogie pratique). Les autres en pause se refont le questionnaire, je me mets dans ma bulle (c'est passé, ne les écoute pas, ça ne changera ni leur note ni la tienne).
Pédagogie pratique, on rentre en salle pour tirer au sort le sujet, mince mon cobaye est très bien équipé, ce n'est visiblement pas un débutant. Sujet "virages", eh merde... Il faut se rendre sur un spot de virages avec une route ouverte, bien faire attention aux consignes de sécurité et il pleut...
Pour se rendre au spot où on suit la voiture des juges je tente un "je passe en dernier dans le convois?" (derrière le stagiaire quoi, pour l'observer). Visiblement, ils connaissent la combine et la consigne est bien évidemment contraire... Ce n'est pas grave, je sais me servir de mes rétros, je pourrais tout de même l'observer un peu.
On se dirige vers nos motos, il prend la sienne, une BMW K1600 GT, re-merde, ce n'est vraiment pas un débutant.
On roule, je le scrute dans mes rétros, bonne position, il suit parfaitement le rythme, bonne trajectoire, mimétisme peut-être ? Sur le virage suivant où j'ai une très bonne visibilité je prends volontairement une trajectoire dégueulasse (il n'y a pas d'autre mot)... lui ne me suit pas et se met sur la trajectoire parfaite... re-merde... petit rond point, arrêt sur la zone de début du spot. ça va être compliqué de lui faire un cour sur les virages alors qu'il semble tout maîtriser déjà.
L'épreuve commence, mon discours est rodé (merci Fabien), bonjour, merci d'être là, je me présente, on peut se tutoyer ? Oui. Je le lance sur sa présentation et sa pratique motarde... 40 ans de permis, tous les types de motos. Une longue liste qu'il égrène depuis ses 125, je le recadre :
"Et avec celle-ci ?
- 2 ans et demi, plus de 25000km, des sorties dans les gorges du Verdon, en montagne avec mon épouse comme passagère... »
La loose pour moi...
Je resserre mes questions avec la question magique "A quoi tu dois faire attention quand tu prends un virage"... Et lui de me réciter parfaitement le cours sans rien omettre position, trajectoire, allure, regard... tout y est... eh merde, pas gagnée l'affaire...
Pas de panique, j'ai constaté dans mes rétros que ce qu'il me disait était vrai. Reste un truc, il pleut, la route est détrempée : le déhanché intérieur pour gagner en adhérence (merci Fabien).
Je lui propose l'objectif mais on va tout de même vérifier que ses acquis sont corrects avant de le travailler, le jury nous suit, il s'applique et sur le rond point du demi tour me fait un magnifique déhanché extérieur pour réduire le rayon de braquage de sa baleine : c'est gagné, je vous tiens !
Le reste, je n'ai plus qu'à dérouler, explication démonstration de la position sur la béquille centrale (dont ma chaussure glisse la première fois que je l'actionne sur ce bas-coté un peu meuble et terreux mais pas de panique tout est sous contrôle), les petits trucs pour avoir la bonne position, pas d'ouverture des genoux...
« Tu as compris ? Vas-y ! »
Il me fait une superbe démo. Tout y est, on rentre, il a la banane. Je le débriefe, lui explique pourquoi on a passé un peu de temps au début pour trouver un truc intéressant pour tout le monde à faire malgré sa grande maîtrise, il est satisfait, le jury reste impassible... Je m'en moque, je sais que j'aurai une note très correcte, la pédagogie y était, le contenu aussi, la sécurité est respectée et il est content.
J'ai une grande pause avant ma prochaine épreuve qui se déroulera en toute fin de journée juste avant l'épreuve de maîtrise personnelle. Les visages des copains se ferment pendant ce laps de temps, c'est compliqué, ils galèrent avec des cobayes qui sont "déroutants", tout le monde a des doutes, le repas ne calme pas trop les esprits. Je retourne dans ma bulle...
Épreuve de pédagogie théorique, je sais qu'il va falloir que j'assure. Je tire mes 2 sujets pour en choisir un :"mécanique" cool, je maîtrise, je vais facilement assurer une note correcte (même si tout le monde aime ce sujet et qu'il a déjà dû être traité plusieurs fois), le deuxième que je tire est "orientation" le CPM pourri, le mal aimé, celui que j'avais travaillé par hasard à l'entraînement... C'est un signe. J'ai un coup à jouer. J'annonce "Je choisi orientation" devant les regards un peu ébahis du jury.
5 minutes de préparation, j'ai mes idées de cours suivant les réponses de mes cobayes, je prépare mes fils de cours sur mon petit calepin : discours de présentation/introduction, questions vers les stagiaires, qui est pro GPS/carte ?
On commence, je déroule le début puis j'interroge mes cobayes : 2 pro cartes, 1 pro GPS. Je sais que c'est gagné et que je n'ai plus qu'à dérouler en me concentrant sur l'interaction avec mes cobayes. Fin du cours, tout le monde est content, j'ai réussi mon coup.
L'épreuve de maîtrise personnelle est juste après. Je sais que la journée s'est globalement bien passée, pas de pression. Cette épreuve là, ça passe tout le temps à chaud, à froid, fatigué ou en forme, il ne me reste qu'à assurer la maniabilité lente et je serai au dessus de la note éliminatoire, ça sera gagné, la maniabilité à allure normale ne sera alors qu'un plus.
Maniabilité moteur éteint, je prends mon temps pour éviter de perdre un point en voulant aller trop vite. Ca doit prendre 30 minutes ? Je m'en moque, je prendrais le temps qu'il me faudra, ce n'est pas chronométré. Je dé-béquille, je pousse en me gardant de la marge sur la trajectoire à l'aller pour éviter d'être coincé au retour. J'enjambe la moto en faisant gaffe au dévers qui m'oblige à ne plus avoir de pied touchant le sol pendant une fraction de seconde, marche arrière, lentement j'observe bien les plots pour passer. Je re-béquille, c'est gagné 2/2.
Mania lente, le cercle, je respire, je me lance, un truc ne va pas dans le rond, la fatigue peut-être mais je sens que je passe près des plots. Je m'arrête à la fin du parcours, les 2 bruits de caoutchouc que j'ai entendu en tournant m'inquiètent... Le verdict tombe: tu as renversé 2 plots, ça te fait 2/8. On recommence ! Mais le deuxième passage ne sera pas meilleurs : déçu, je ne fais pas assez attention à ma largeur de guidon en entrant dans la première porte et je touche le piquet d'entrée, je sais que ce n'est pas bon, je perds ma concentration en tournant dans le rond et je me surprends à ne pas regarder au bon endroit, paf un plot de plus... je ressors, même sanction... dégoûté, je rejoins le parking... Je n'ai que 4 points pour le moment il m'en faut 4 de plus pour éviter la note éliminatoire.
Maniabilité à allure normale, la piste est désespérément sèche, dommage, j'ai plus de marge sur le mouillé. Je rentre dans ma bulle, je m'échauffe jusqu'à faire plusieurs répétitions sur la piste sans plots qui est à l'écart. Les répétitions à Mérignac et Bergerac font que je n'ai plus besoin des plots pour faire le parcours, je sais où accélérer, où freiner, où placer mes roues, à quels moments passer la 3ème, revenir en seconde et même faire l'évitement avant la boîte d'arrêt. Je prends ma place dans la file des candidats, je suis encore dans ma bulle quand un malheureux concurrent fait une chute, lourde. Il ne se relève pas tout de suite, ça a tapé fort. Tout le monde coupe les moteurs. Il y a du monde autour de lui, on se tient à l'écart en attendant des nouvelles, il va finalement bien et on lit sur son visage plus de déception que de douleur. Mon tour arrive. Toujours dans ma bulle je me répète les conseils entendus "tu n'es pas en démonstration, ça passe crème, assure le premier passage et tu verras, ça devrait suffire, pas la peine de te mettre par terre, rends un peu de gaz". Je m'élance, je soigne ma trajectoire, passe loin des plots, l'évitement : "ne rentre pas trop vite, passe loin des plots", arrêt. Je n'ai rien touché, pas d'erreur de parcours, il faut attendre le chrono. La sanction tombe : "tu es 3 dixièmes de seconde au dessus du temps, ça te fait 5/10". Je re-rentre dans ma bulle, je me refais la journée, 5+4=9/20, au dessus de la note éliminatoire, ce n'est pas le plus gros coeff, dans l'ensemble, je dois bien avoir plus de 12. Si je refais un passage, c'est pourquoi faire ? Tenter de finir major ? Si je voulais être major, je n'avais qu'à être bon au moment de la mania lente, c'est quoi le plus important, rentrer avec le diplôme, là, tu devrais l'avoir et si tu ne l'as pas comme ça, c'est que tu as été trop juste dans les autres domaines et que tu ne le mérites pas, tant pis pour toi...". Il ne faut pas oublier que le CAMABC doit valider ma capacité à transmettre avant tout, non ? Je sors de ma bulle, je pose la question "ça me fait bien 9/20 au dessus de la note éliminatoire ?", Morgane vérifie, "Oui", "alors je prends le 9" et devant des regards un peu circonspects qui se demandent ce qui s'est passé pendant se laps de temps où j'étais à l'arrêt en fin de parcours, je gare la moto.
La journée d'épreuve est finie. Xavier de la C44 me demande : "c'est bon ?", "je suis 0.3s au dessus du temps, en tout ça me fait 9/20, je prends le 9 au dessus de la note éliminatoire", "tu prends le 9 !?", "je prends le 9".
Délibération du jury, c'est toujours trop long.
Ils sortent et annoncent: "Tout le monde ne l'a pas eu, il y avait 14 candidats et 6 ont été recalés, voici les noms...", en un le malheureux qui a fait la chute, en deux, le blessé qui n'a pas fait toutes les épreuves (dès le matin on savait qu'il venait juste pour l'expérience de le passer). Les noms s'enchaînent, je compte sur mes doigts restés dans les poches : 1 inconnu, 2 inconnus, encore 2 inconnus, j'ai à peine le temps de recompter mes doigts en me disant le compte y est, on l'a fait que le jury annonce, "Pour les autres c'est bon". Tous les copains d’entraînement de la 33 et de la 24 l'ont ! Le reste n'est que sourires et soulagement. L'ordre n'a pas d'importance, enfin si, le dernier nom est le mien, major, malgré mon 9/20 en maniabilité ?! "Tu as bien fait de prendre ton 9 me lance Xavier". Ça a confirmé 2 choses :
-la première, toujours rester humble dans la pratique de la moto : on n'a rien à prouver à personne sur nos machines,
-la deuxième : ce n'est pas ma maîtrise personnelle qui m'a donné cette place de major mais bien tous les enseignements que j'ai reçu des formateurs, la pédagogie, la théorie... Les notes sont tombées : avec deux 19/20 sur les épreuves de pédagogie, ce n'est pas ma place de major, c'est la place de major des enseignements et des formateurs de la CASIM 33 !
Épilogue:
Petit pot au jus de pommes pour moi, photo, merci, au revoir et à bientôt.
On rentre à l'hôtel pour manger une nouvelle fois en petit groupe avec les filles de la 33 qui étaient membres du jury.
On reparle bien évidemment philosophie et géopolitique (toujours pas crédible...). Là, on comprend que la journée a été dure pour tout le monde, nous avec nos doutes, elles avec leur désappointement de gérer avec un stoïcisme rendu obligatoire par la fonction, des notes parfois peu encourageantes des copains dont tous connaissent la valeur...
C'était une longue journée pour tout le monde.
Je ferais le retour le lendemain encore par l'auto-beurk, le temps est mauvais et je suis fatigué mais tellement HEUREUX !