Allé, puisque tu te régales de mes récits Charles en voilà un qui illustrera parfaitement ta sortie. Certes le récits est un peu long mais je crois qu'il vaut son pesant et puis surtout il sera instructif pour ceux qui n'ont jamais roulé en groupe et craignent d'être une gêne

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Voilà plus d'un an que je roule aussi souvent que possible avec Patrick ou seule mais j'ai l'impression de ne plus beaucoup progresser pourtant je suis encore très mauvaise. Certes je ne me fait presque plus klaxonner ou doubler mais il est bien difficile pour Patrick de savoir quoi me proposer comme destination et qui serait dans mes compétences. Un collègue lui indique un site Internet où des gens proposent des sorties dont des ballades en moto : OVS.
Nous nous y inscrivons avec une grande candeur et sans beaucoup s'interroger sur le système. Nous trouvons une sortie moto proposée juste le 1er jour où nos enfants partent en colo et donc cela nous permettra de découvrir le concept du roulage en groupe sans eux, pour une journée entière donc. Nous nous inscrivons sans nous poser de question particulière. Quelques jours avant la sortie, un commentaire y est laissé par un OVESien qui demande si « on va se traîner, ou bien si on envoie du bois ? ». Là, je prend conscience que je n'ai pas pensé à ce problème : je suis un poireaux (j'me traîne!) et je ne sais pas si je ne vais pas être larguée dès les 100 premiers mètres ? Mais le lendemain je suis rassurée par une réponse assez cinglante qui explique que « le roulage en groupe nécessite d'être prudent, qu'il est inconscient de se « taper la bourre » en ville, que les allumés de la poignée n'ont pas leur place ici, etc... ».
Le jour J arrive. Je présente un petit post it où j'ai inscrit nos n° de portable à Patrick et à Moi à l'organisateur de la sortie. Il me demande pourquoi c'est faire. J'explique que comme on a pas l'adresse du lieux de pic nic ni de l'itinéraire c'est au cas ou on se perd. Il éclate de rire en disant « C'est la première fois qu'on me la fait celle là. On a jamais perdu personne ! ». On est 11 motos. L'organisateur rappelle les règles de roulage en groupe avec lui : on roule en quinconce, on ne se double pas, on ne doublera pas les voitures tant qu'on sera sur les axes principaux, chaque pilote est responsable de celui qui le suie (si besoin il s’arrêtera à une intersection pour s'assurer qu'il aura bien vu où on va), on respecte le code de la route... J'indique que je suis novice, que je ne roule pas vite et donc pour ne pas gêner les autres je préfère rester derrière. Patrick confirme que je ne roule vraiment pas vite et se propose de fermer la marche : être le « fermeur » pour s'assurer qu'il ne m'arrive rien de fâcheux. Nous prenons la route. Les premiers kilomètres se passent à merveille : nous roulons à allure très raisonnable au milieu de la circulation pour ne pas nous perdre, être en avant dernière position d'un roulage en quinconces me confère une vue sur notre convoie qui me rend très fière d'y participer : c'est beauuu ! Puis notre convoie quitte la route principale pour aller dans les sous bois de l'Entre-Deux-Mers, et là tout s’accélère, je devrais dire TOUS (sauf moi!) ACCELERENT : en ligne droite ils me larguent en 50 mètres, en virages c'est pire encore. Je fais de mon mieux mais impossible de suivre la cadence. Mon seul salut c'est que tout le convoie s'arrête sur le bas côté à chaque rond point ou intersection, me permettant alors de les rejoindre. Comme j'ai toutes les peines du monde à m’arrêter tout à fait et que je me dis que je leur fait perdre bien assez de temps comme ça, à chaque fois, je ne m'arrête pas, je les dépasse (ma seule possibilité de pouvoir dire qu'un jour j'ai doublé autant de moto d'un coup!), je décale à droite pour les laisser ensuite me doubler et chacun reprendre sa place. On me rapportera plus tard qu'une passagère s'était fait rabrouer quand elle elle aura osé critiquer le fait que je ne respecte pas la règle de « on ne double pas », lui aura été répondu que quand elle piloterait elle serait autorisée à commenter : ainsi donc une Femme en moto est digne de respect même quand elle pilote comme une quiche parce qu'elle a le mérite d'essayer et surtout que chacun se souvient de ses propres débuts plus ou moins glorieux. Ignorant que j'inspirais tant de respect et alors que je pensais avoir atteint le paroxysme de l'humiliation, j'allais découvrir que dans la vie quand t'es pas douée mieux vaut avoir l'humour et l’auto-dérision. Comme depuis un bon moment déjà je ne dois la possibilité de retrouver mon groupe qu'à la faveur d'une intersection, au bout d'un temps certain je m’étonne de n'en plus croiser aucune et donc malgré tous mes efforts de ne plus deviner au loin nos comparses. Je roule, roule, roule sans plus rattraper personne. Je suis en train d'imaginer le groupe s'étant arrêter pour la pause pic nic et ne les rattraper qu'au moment de leur départ : la honte ! Puis j'arrive à une zone de travaux et toujours personne, en face, la route se partage en deux sans pouvoir identifier la route principale. J'en prend une au hasard et me dit que c'est vraiment étrange qu'ils n'aient pas attendu là. A moins qu'ils en aient eu marre d'attendre « la Griselda » ? Je décide de rouler ainsi encore 10mn' mais qu'ensuite je m’arrêterais pour tout de même vérifier mon téléphone portable : s'il avait sonné je ne l'aurait pas entendu vu que je l'avais laissé dans le top case. Avant que je n'ai à le vérifier je découvre tout le groupe, massé, dans un chemin à droite. Comme ils ne redémarrent pas en me voyant, je m'arrête et demande pourquoi on ne repars pas maintenant que je suis là ? On me répond alors que l'organisateur après avoir tenté de m'appeler trois fois en vain est reparti en arrière à notre (Patrick était toujours resté derrière moi) rencontre. Je m’étonne de n'avoir croisé personne mais voilà qu'on m'indique qu'ils étaient tous arrivés par ce chemin de droite et non par ma route. Quand l'organisateur est arrivé à ce carrefour là, il a découvert que la fois précédente où ils avaient tourné à droite, mon prédécesseur avait mal pensé que j'aurais du les voir tourner. Après les trois coup de fil et le savon passé à la dernière moto qui aurait du m'attendre, il était reparti à notre recherche. La chose amusante c'est que bien que je n'avais pas suivi le même chemin qu'eux, à force d'aller tout droit ou plus ou moins j'étais retombé sur eux par hasard. L'organisateur est revenu juste après, soulagé de nous avoir enfin retrouvé. Là, la décision a été prise qu'il ne fallait pas me laissé en toute fin de convoie mais plutôt au milieu pour être mieux encadrée puisque je ne veux pas être en deuxième (encore plus de regards sur mon incompétence!!!). Dès lors, j'aurais des anges gardiens qui me bloqueront les carrefours pour me permettre de passer sans avoir à m’arrêter. C'était tout à fait adorable mais aussi terriblement culpabilisant de me dire qu'alors je les obligeais à avoir une conduite davantage à mon rythme, les empêchant de s'amuser. Quand on s’arrêtera pour le pic nic on me questionnera davantage sur mon parcours et à la question « Pour toi qu'elle est la chose qui te pose le plus de problème ? », je devrais lister mes difficultés mais en tête du palmarès sera tout de même m’arrêter et repartir en particulier quand la route est défoncée ce qui est le cas pratiquement partout dans l'Entre-Deux-Mers !
J'ai eu un grand moment de solitude à la fin de la journée quand nous sommes arrivés dans un tout petit chemin, en côte très descendante, un stop, et tourner à droite pratiquement en faisant demi-tour alors qu'il y avait peu de place avant une ancienne bâtisse qui se trouvait en face de moi : l'impression que j'allais être emportée par le poids de la moto et la vitesse non maîtrisée due à la très forte pente était un calvaire, même en bloquant le carrefour j'étais au supplice. L'un d'eux, le plus jeune, déposera sa propre moto pour venir à côté de moi et m'aider en me donnant les indications pour franchir cette étape. Sans ce fabuleux esprit d'entre-aide je serais rentrer chez moi (à pied après avoir jeter ma moto par terre?!) et n'aurais plus jamais voulu exposer ma nullité aux yeux du monde.
Au moment de se dire au-revoir une petite passagère est venue me voir en me disant : « Je t'admire beaucoup tu sais ! Moi, justement parce que comme toi je suis petite, j'ai conscience que je n'y arriverais pas et c'est pour ça que je me contente d'être passagère. Mais toi, je t'admire parce que... on voit que tu en chie mais tu lâches pas ! ». Je suis restée bouche bée, je ne savais pas si je pouvais prendre les fleurs... et le pot avec ! Finalement j'ai répondu que « Quand j'en chie c'est bien parce qu'une fois que j'y suis je suis bien obligée de trouver un moyen de rentrer chez moi que je ne lâche pas. Mais pour être honnête si un jour on doit être fière de moi j'aimerai bien que ce soit parce que j'assure, je pilote bien... tout ça quoi ! » en attendant je vais rentrer chez moi, prendre un bon bain chaud pour détendre mes courbatures et sûrement pleurer un petit peu aussi !
Ce que j'ai découvert ce jour là et qui s'est confirmé depuis c'est que les autres Femmes présentes mais passagères t’admirent parce que tu essaie de faire ce qu'elles n'osent pas mais que les Hommes (qui ne sont jamais passagers, ils ne l'envisagent même pas!) eux te respectent car il mesurent encore plus les difficultés que nous rencontrons.
Si on dit que le monde moto est macho moi je dis que si machisme il y a, il est presque toujours à l'avantage des Femmes piloteuses : la solidarité s'applique encore plus pour nous !
A très vite
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